Guide buildingSMART France : quelles données pour mes objets ?

Un guide pour enfin bien collaborer autour des objets BIM

buildingSMART France (Mediaconstruct) a édité en juin 2020 un guide pour aider les créateurs d’objets BIM (fabricants, mais aussi référents BIM et gestionnaires de bibliothèque d’objets) ainsi que leurs utilisateurs (projeteurs, ingénieurs métier, mais aussi BIM Managers, coordinateurs) à collaborer autour de la conception de l’objet. A cette occasion, BIM&CO revient sur la genèse de l’ouvrage avec les différentes parties prenantes du projet, réunies au sein de la « Product Room » française.

Comment est née l’idée de vous réunir pour écrire ce guide ?

Échanger des données des maquettes entre différents métiers reste encore un vrai challenge aujourd’hui. Ce guide a pour vocation de permettre à chacun d’aborder la construction en prenant en compte chaque métier et en créant par exemple des passerelles entre les logiciels de ces différents métiers.

Il n’est pas rare d’entendre le besoin d’un standard unique avec un dictionnaire unique de données : des normes permettent en théorie d’assurer la qualité à travers un process rigoureux de publication et de validation du contenu. Mais qui sont les experts et comment savoir la pertinence des informations mises dans un objet ? A chacun son opinion, et sans objectif commun il n’y aura pas de dictionnaire unique permettant cette passerelle d’un métier à un autre.

Partager une vision commune du sens que nous souhaitons donner à chaque objet est le problème principal que nous avons souhaité résoudre en ouvrant la rédaction de ce guide – et il semblerait que le travail soit apprécié car nous n’avons que de bons retours sur le guide « modèles d’objets numériques ». De plus, la Product Room de buildingSMART International a demandé sa traduction, ce qui valide la pertinence du guide à l’étranger.

Un impératif côté fabricants

Laetitia Bertel, Responsable Normalisation du Centre Technique de Matériaux Naturels de Construction nous explique le besoin initial de créer ce guide :

« En tant que fédération de fabricants, nous avons la conviction depuis longtemps que la place des industriels dans le BIM est essentielle. Ils sont à la racine de l’information de la maquette et des process BIM, et ce en fournissant les informations liées aux produits qui vont constituer la future construction. Qui mieux que le fabricant peut fournir ces informations de façon précise et fiable ?

Nous disposons de normes, notamment la XP P07-150, qui est maintenant devenue l’EN ISO 23386, qui nous permet de créer des dictionnaires de qualité. Cependant, comment alimenter et utiliser ces dictionnaires ? Quelles sont les « bonnes » informations, c’est-à-dire celles qui seront utiles aux acteurs ? où et comment les transmettre ?

Autant de questions qui nous ont poussées à prendre part à la rédaction de ce guide, pour accompagner les industriels de notre filière et plus largement les industriels de la construction dans leur transition vers le BIM.« 

Les exigences de performance et de confort du bâtiment demandent une rigueur importante pour tous les acteurs. Les normes et réglementations imposent une anticipation très tôt dans le projet des choix constructifs et des systèmes de produits.

Par exemple, en plus de l’atteinte de performance au niveau de la déperdition de chaleur de l’enveloppe du bâtiment et l’économie de production de chaleur des systèmes, la nouvelle réglementation thermique RT2020 exige également d’inclure une étude sur l’impact carbone du bâtiment. Ce résultat sur l’analyse du cycle de vie (ACV) des matériaux va pousser les acteurs à faire des hypothèses plus tôt dans le projet pour avoir un diagnostic au plus proche des attentes de leurs clients. Ces diagnostics sont basés sur des listes (ou sets) de propriétés différentes par métier. Ces différentes vues métiers s’appellent des MVD (Model View Definitions).

Prenons par exemple les surfaces et quantités des matériaux qui doivent être extraites du modèle analytique pour faire des itérations entre l’ACV et la thermique :

Les besoins sur les jonctions en thermique et en ACV sont différents. En thermique (bleu) nous allons avoir besoin de la surface déperditive alors que l’ACV (orange) a besoin des quantités :

Jonction thermiques

Ces différences de jeux de données engendrent des échanges plus rigoureux entre l’architecte et le bureau d’études. Pour autant, les échanges restent toujours aussi compliqués puisqu’ils ne pointent pas vers une base de donnée unique. En ACV : base INIES, en thermique : base Edibatec.

Où doivent être stockées ces données interopérables ?

Le bSDD est l’endroit où trouver et cartographier des dictionnaires et des classifications provenant de différents horizons tels que Omniclass, eClass, ETIM, eBKP-H, les réglementations (marquage CE …), les normes commerciales… Les outils BIM pourraient permettre d’accéder à des dictionnaires connectés au bSDD ou directement au bSDD. N’importe lequel de ces outils pourrait utiliser des dictionnaires pour ajouter de la sémantique aux concepts qu’ils fournissent. Le bSDD crée une opportunité d’interopérabilité pour les utilisateurs de tout type d’outils BIM. Il s’agit d’une plate-forme centralisée où les gens peuvent fournir du contenu, en gardant la propriété de celui-ci (en gardant le contrôle total). buildingSMART International doit fournir une interface conviviale de qualité « générique » pour que les utilisateurs comprennent le contenu et donnent un aperçu de ce qu’est le bSDD avec quelques exemples d’utilisation qu’il résout. En tant qu’agent, BIM&CO fournit une interface spécifique pour des cas d’utilisation spécifiques de ses propres clients.Afin de donner confiance au contenu, les agents prennent en charge les procédures de gestion de la qualité du contenu, notamment en suivant les normes ISO pertinentes (ISO 12006-3, ISO 23386, ISO 23387).

En mars 2020, l’industrie de la construction a reçu une norme mondiale sur le développement de « propriétés », à savoir la norme EN ISO 23386. Cela marque une étape importante vers la standardisation BIM et la réalisation de l’interopérabilité dans tous les processus numériques de la construction. Chez BIM&CO, les progrès de la norme EN ISO 23386 sont suivis attentivement et leurs experts participent depuis le tout début à l’élaboration et au développement de cette nouvelle norme. Par conséquent, l’équipe du groupe de travail reste à votre disposition pour vous expliquer les termes techniques et la valeur que la norme EN ISO 23386 peut apporter à votre entreprise.


Rémi Lannoy, responsable du Département Construction Numérique & BIM du 
CERIB nous explique en quelques mots son témoignage :

« Le BIM dit sémantique, attaché à l’échange des connaissances des métiers de la construction par le biais des objets BIM, est en train de gagner des adeptes. La norme EN ISO 23386 pose les bases méthodologiques pour la gestion des propriétés servant à décrire ces objets. Mais la question préalable reste de savoir comment les acteurs de la construction peuvent définir les propriétés de ces objets pour répondre à leurs propres cas d’usages ? C’est cette problématique qui a guidé notre réflexion. »

À quoi servirait une meilleure collaboration si nous n’avions plus d’expertise et de savoir-faire ?

En théorie, nous croyons tous à l’idée de l’interopérabilité : avoir un langage commun permettant à chacun de piocher les données dont il a besoin pour son métier. Il s’avère que dans la réalité ce n’est pas si simple. L’application de l’unification des informations d’un logiciel à l’autre n’est pas envisageable et apporterait plus de contraintes que de solutions. D’ailleurs, de nombreux réfractaires font savoir que l’industrialisation et le pré-paramétrage des éléments constructifs coupent court à l’imaginaire architectural.

Une prise de conscience nous oblige aujourd’hui à voir la réalité en face : bâtiments, entreprises, employés, nous sommes tous différents et cette force ne doit pas être étouffée par des contraintes imposées pour mieux collaborer.


Daniel Said, référent IFC et externalisation de la sémantique métier chez
Bouygues Construction nous explique l’importance de l’étude des process métiers :

« Dans la deuxième partie du guide nous proposons aux créateurs de contenu BIM de modéliser les processus métier pour détailler chaque activité autour du produit étudié.

Ces activités permettent de lister les différents échanges d’un acteur à un autre et d’obtenir un ensemble de propriétés à chacun de ces échanges.

Les jeux de propriétés (“Property Sets”) également normalisés dans le bsdd, spécifiques aux types d’objets, permettront d’avoir un dictionnaire harmonisé et pertinent pour chaque métier. »

Les produits qui sont le socle de notre réponse aux besoins de chaque bâtiment sont un bon exemple de la complexité des données à renseigner. L’entreprise générale ne va pas visualiser, lire et manipuler un produit comme celui qui l’a fabriqué, et encore moins d’un pays à un autre. Aussi, les initiatives nationales françaises sur le sujet ont bien illustré cette difficulté d’unification dans votre quotidien. Tout BIM Manager, coordinateur, référent BIM confirmera ce constat sur ses projets. Le partage de son référentiel à la lettre, mais aussi de celui qui est exigé sur le projet, et de ceux des autres acteurs projets obligent le BIM manager à avoir une multitude d’informations redondantes au sein de ses objets pour couvrir ces différents besoins.

Comment débuter correctement la création d’un objet ?

Ce guide apporte une réponse et prend en compte les attentes et besoins des principaux potentiels utilisateurs, BIM et non BIM. L’objectif est que les utilisateurs puissent rapidement exploiter le modèle convenablement et de façon collaborative et qu’ils transmettent des axes d’amélioration en rapport à des workflows établis.

Par exemple, en tant que projeteur BIM, je réalise mes livrables en 2D et les données sont affichées sur les plans à l’aide des paramètres qui sont standardisés dans le référentiel de mon entreprise. Comme le guide préconise d’inclure ces paramètres lors de la création de l’objet, je pourrais facilement les récupérer ou les ajouter dans le modèle architectural.

Aujourd’hui, c’est tout l’inverse. Sur un projet, le BIM manager exige de l’architecte, de la structure, des énergies et des projeteurs des entreprises de travailler selon un référentiel unique : celui de la convention BIM. Lorsque cette convention existe, il est rare que le BIM manager arrive à la faire respecter par l’ensemble des acteurs, car ils possèdent aussi leur propre référentiel interne qui couvre les process propres à leur entreprise.

La Product Room de buildingSMART France explique dans ce guide que l’objet et ses données doivent être capables de s’adapter par métier. Pour la réalisation de ce guide, nous avons eu la chance de pouvoir réunir des rédacteurs des différents horizons.


Pierre François Jullien, animateur du groupe d’experts « Echanges d’informations » de la CN PPBIM, nous explique la démarche de ce guide à traver l’expérience d’Atalane.

« La démarche que nous proposons dans ce guide s’appuie sur une analyse des processus métiers, tels qu’ils sont mis en œuvre actuellement, pour identifier les échanges d’informations et leur contenu. Il s’agit donc de mettre autour de la table, par exemple l’organisation professionnelle de l’artisan ou de l’entreprise générale et celle du fabricant de peintures, pour identifier les différents échanges et leur contenu. Les missions de conseil et d’accompagnement que nous menons à Atalane nous ont montré toute la richesse qui ressort de ces travaux. En proposant une harmonisation du contenu des échanges, les organisations professionnelles peuvent contribuer à améliorer la productivité de leurs adhérents. Les normes ont là, les outils aussi avec ce guide: il est temps de les mettre en œuvre, d’expérimenter et de partager !« 

Téléchargez le guide « modèles d’objets numériques » de buildingSMART  gratuitement !