Le BIM au service de l’électricité : challenges & solutions

Le BIM permettrait ainsi de mieux s’organiser et d’anticiper les problèmes, mais qu’en est-il vraiment ?

Méthode de travail innovante, le BIM chamboule le monde de la construction. Les bureaux d’études en électricité, qui l’utilisent en phase de conception, attendent de cette méthode un gain de temps et prévoient une meilleure préparation de la phase d’exécution. Le BIM permettrait ainsi de mieux s’organiser et d’anticiper les problèmes, mais qu’en est-il vraiment ? Retour d’expériences et regards croisés avec les experts d’ENGIE IneoLegrandTrace Software International et BIM&CO.

Les professionnels de l’électricité confrontés à des problématiques concrètes dans l’usage du BIM dans leurs projets

Même si l’intérêt du BIM au service de l’électricité est d’anticiper et gérer les problèmes en amont, dans la pratique ce n’est pas toujours le cas. En effet, comme le souligne Philippe Aupetit Responsable Calculs & Simulation chez Trace Software « Il y a encore peu d’usage du BIM en électricité puisque de manière générale, beaucoup de choses se font encore en dehors de la maquette numérique : calcul de charge, câblage, coordination avec les fluides… De plus, les études détaillées sont réalisées par les installateurs et donc pas en amont dans la maquette de conception BIM. Aujourd’hui, les clashs se traitent encore trop sur le terrain au lieu d’être anticipés au début de projet ». 

L’anticipation de problèmes potentiels doit passer par une meilleure utilisation du BIM en phase d’étude d’APD, grâce aux objets génériques, puis par l’utilisation d’objets fabricants pour la phase de conception détaillée.  À propos des objets génériques, Patrick Valton, Corporate BIM Manager chez Legrand, remarque en outre « que l’objet générique ne sait représenter aujourd’hui qu’un appareil unitaire, alors qu’il est important de pouvoir passer à un système permettant d’inclure les interactions entre chaque élément.

Une autre problématique liée à l’usage des logiciels de conception BIM : les solutions actuelles ne savent pas gérer la notion de câble, l’élément le plus important dans une installation électrique. Il est alors nécessaire de faire appel aux logiciels métiers. En effet, pour les cheminements de câble, par exemple dans Revit, il faut utiliser la fonction canalisation.

Les bureaux d’études sont également confrontés à un manque d’harmonisation des propriétés des objets BIM : chaque corps de métier et chaque fabricant disposent de référentiels qui leur sont propres. La puissance électrique ou le nombre de phases sont par exemple des données dont les bureaux d’études en électricité ont besoin, mais dont les libellés varient d’un fabricant à un autre dans leurs objets BIM. Le manque de standardisation rend ainsi l’utilisation d’objets BIM fabricants délicate alors qu’elle est pourtant nécessaire en phase de conception. Même si le PTNB et les syndicats s’efforcent de normaliser les objets BIM, le processus reste long et fastidieux, il représente un frein pour les projets.

Enfin, Damien Sellet, BIM Manager d’ENGIE Ineo, rappelle qu’en « France la maquette numérique n’a pas encore de valeur contractuelle. Le contrat « papier » prévaut encore sur la maquette numérique, notamment en cas de différences ; par exemple sur la puissance nécessaire ». Par praticité, les objets génériques sont aujourd’hui donc de ce fait principalement utilisés, mais les temps changent. Dans certains pays comme le Royaume-Uni ou Singapour, la maquette numérique a une véritable valeur contractuelle et les objets utilisés sont des objets fabricants. Il reste nécessaire de se préparer à l’avenir.

Malgré son immaturité, le BIM est pour autant en train de gagner la confiance des équipes car il rend déjà bien des services. « On obtient une meilleure organisation dans la conception des locaux techniques par exemple et un gain de temps notable sur les modélisations d’installations complexes, par exemple grâce à la modélisation des escaliers » souligne monsieur Sellet. Le BIM fournit également une aide précieuse en phase d’exploitation pour remplacer un produit installé dans le bâtiment, consulter son guide de maintenance, ou faire une mise en conformité de l’installation.


Des solutions qui émergent

Nous avons vu que la problématique de l’harmonisation des données est un frein pour les entreprises, du fait du manque d’unicité actuelle dans les informations que fournissent les fabricants. Ceci est lié aux différentes normes et standards en constante évolution. Heureusement des solutions innovantes comme Onfly, utilisé par ENGIE, permettent d’adresser ces sujets avec brio pour obtenir tous les objets BIM dans un référentiel adapté à l’entreprise, et durable. BIM&CO a en effet constitué un dictionnaire de propriétés connecté, permettant de transcrire les données d’un objet BIM selon le référentiel d’une entreprise, d’un logiciel ou d’un standard.

Pour répondre à la problématique de la taille des fichiers, BIM&CO a développé le Smart Download, une technologie permettant à l’utilisateur de sélectionner uniquement les données dont il a besoin, au moment du téléchargement. Une fois la maquette transmise à un autre acteur du processus BIM, celui-ci peut mettre à jour l’objet avec les données qui l’intéressent à son tour, ce qui optimise le poids des fichiers. Ces fonctionnalités sont très intéressantes dans le cadre de la coordination électricité & fluide, ces disciplines peuvent alors travailler avec une bibliothèque d’objets commune, chacun y trouvant les données dont il a besoin.

Au moment de la modélisation de leurs produits, les fabricants doivent réfléchir aux  formats et standards pour garantir aux utilisateurs la pertinence et la qualité des données de leurs objets. Le leader en solutions électriques Legrand a choisi de travailler dans un premier temps sur l’éclairage de sécurité en faisant appel à ses utilisateurs en France, mais aussi en Belgique, aux Pays-Bas et en Espagne afin d’obtenir des retours d’expérience concrets. C’est dans ce sens que BIM&CO a réuni parmi ses utilisateurs des experts au sein d’un groupe privé permettant au fabricant de disposer en avant-première de retours terrain et de cas d’usage précis pour développer des objets BIM pertinents.

C’est cette même méthodologie qui est appliquée au sein du groupe d’expérimentation mis en place par les syndicats Gimélec et Ignes afin de fournir des objets génériques de qualité dans le domaine électrique.

Quant à réaliser les calculs grâce à la maquette numérique, les choses bougent aussi. Les éditeurs de logiciels sont constamment à l’écoute de l’évolution des pratiques du BIM.  La solution elec calc™ BIM permet en effet d’importer sa maquette numérique depuis Revit, ArchiCAD… grâce à l’IFC4. L’utilisateur peut alors visualiser la maquette et récupérer tous les récepteurs électriques dans elec calc™ BIM pour réaliser ses calculs. Il communique par ailleurs avec BIM&CO pour accéder à des données Fabricants supplémentaires.

Le domaine de l’électricité est donc lui aussi confronté à de nombreux challenges liés à la digitalisation du monde de la construction. Mais les fabricants et les professionnels travaillent main dans la main et tentent d’ores et déjà d’y répondre par de multiples solutions, réservant au BIM un avenir prometteur dans cette discipline…

Propos recueillis dans le cadre de l’atelier BIM&Electricité – BIMWorld Paris 2018